Fin des cookies-tiers : comment éviter la fringale en 2024 ?
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La communication et le marketing sur le web se préparent à un changement brutal de paradigme avec la fin des cookies-tiers. Mais les nouvelles stratégies de tracking de parcours sur le web mises en place en remplacement ne sont guère enthousiasmantes voire discutables. Plutôt que d’appliquer, avec des techniques moins efficaces ou plus opaques, les stratégies de webmarketing d’hier, nous conseillons de miser sur le présent et l’avenir des pratiques.
Le cookie : une histoire de recettes
Tout d’abord, un peu d’histoire. Le cookie est une invention aussi vieille que la démocratisation d’internet puisqu’il a été inventé en 1994 par Lou Montulli, un ingénieur de Netscape. Le but de ces petits fichiers ? Faciliter le chargement des pages web en connaissant les préférences des utilisateurs (taille d’écran, langue, voire panier en cours, etc.). Ils forment ce l’on appelle vulgairement aujourd’hui les “cookies first party”, ou cookies propriétaires, et qui sont du point de vue de la loi souvent “essentiels” au bon fonctionnement des sites.
Internet Explorer, concurrent de Netscape, a cependant rapidement ouvert la voie aux “cookies tiers”, des cookies qui renseignent sur le parcours des internautes, comme un mouchard. Ces “third party cookies” sont un excellent moyen de connaître les centres d’intérêt de cohortes d’internautes, tout en mesurant les performances de campagnes de communication. Offrant une vue imparfaite mais réelle des parcours clients, ces cookies sont également la condition sine qua non du “redirecting”, c’est-à-dire l’envoi de messages publicitaires sur des sites tiers de sites visités auparavant par l’internaute.
Le problème d’un mouchard ? C’est d’être un mouchard. Et le consentement au mouchard étant rare, le consentement au cookies tiers était rarement demandé.
Le web marketing au régime draconien
Tout cela a changé, et depuis déjà quelque temps. Dès 2013, Safari et Firefox permettaient de bloquer ces cookies, en relais des bloqueurs de pubs, qui avaient commencé le travail. Puis c’est le legislateur, notamment à travers la RGPD en France et la directive ePrivacy de l’UE, qui a mis le holà à ces indigestes fichiers-tiers, obligeant depuis les utilisateurs à cliquer sur de laborieux panneaux de consentement, que suivent parfois de pénibles messages culpabilisants pour l’internaute. L’UX y a perdu ce que l’éthique y a gagné.
Aujourd’hui, une date fatidique approche. Google Chrome, qui peaufine encore son outil de gestion de la “privacy” (Privacy Google sandbox), a promis la fin des cookies tiers pour 2024, après avoir repoussé deux fois l’échéance. Comme Google Chrome représente près de 60 % du trafic web, leur norme est dominante et directrice. Dès lors, à quoi s’attendre pour 2024 ?
Pour répondre à cette question, nous n’errons pas “en rond dans la nuit” : la RGPD nous offre un track record solide pour tracer dors et déjà des développements probables.
La disparition des 3rd-parties cookies entraînera nécessairement, car entraîne déjà :
– une grande difficulté à mesurer les performances des campagnes web sur des bases “ROIstes” ;
– des solutions de remplacement de suivi des parcours clients aux effets pervers car gagnant en opacité, comme la technologie server side (on puise la data directement sur les serveurs et non sur le navigateur des utilisateurs) ;
– une inflation du rôle des cookies propriétaires, avec des solutions reposant sur leur utilisation ad nauseam, comme l’a déploré Sacha Morard, le CTO / CIO du Monde dans sa récente tribune sur The Audiencers (First is the new third). En effet, les requêtes de cookies first-party sont lourdes et leur utilisation au-delà de leur fonction première dégrade la performance des sites, augmente les bandes passantes nécessaires et le coût carbone de navigation, etc. ;
– Une poolisation des cookies first-party au sein d’alliance entre sites. C’est déjà le cas, par exemple, des enseignes du groupe Mulliez dans la grande distribution ou des éditeurs avec la plateforme Gravity ;
– du re-targeting de sites “alliés” mettant en commun leurs cookies first-party ;
– des publicités moins pertinentes et un risque de spam (difficile, sans cookie-tiers, de savoir si un internaute a déjà été soumis à un même message publicitaire) ;
– sur le terrain de souveraineté et de la concurrence, les GAFAM, et notamment Google, deviennent encore plus incontournables en renforçant leur hégémonie dans la publicité (comme tend à le dessiner leur API Topics).
Luttons contre le grignotage
Face à ces constats contrastés sur la fin des cookies-tiers (une avancée éthique indéniable et nécessaire, mais des conséquences perverses déjà mesurables), que pouvons-nous, en tant qu’agence partenaire et conseil, vous recommander ? Deux choses.
Tout d’abord, admettons-le : les directions marketings croulent sous la donnée inexploitée, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les fameux “cookies first party”. En 2021, la moitié de la donnée stockée était ainsi non répertoriée ou non exploitée, comme le résument les concepts de dark data ou de data swamps. Les directions remontent à longueur d’étude leur difficulté à utiliser globalement la data pour prendre des décisions. Dans ce contexte, moins de données mieux exploitées semble être une recommandation de bon sens, économique et performante. Une analyse approfondie de la data éthique devrait déjà permettre de mieux connaître vos visiteurs, leur maturité, leurs usages et requêtes. Tout ce qu’il faut pour mieux cerner comment les transformer en prospects puis en clients puis en clients fidèles.
Autre piste très prometteuse pour accepter sans fringale la diète de cookie tiers : la communication contextuelle, c’est-à-dire la communication lancée où se trouve votre cible, de façon pertinente, en temps réel. Un exemple : vous faîtes une course en taxi. Selon l’heure, le lieu, le trajet et ce que l’IA reconnaît de votre visage (âge, sexe, etc.), un écran vous propose des contenus, produits ou services localisés. Rendue possible sur une échelle industrielle par l’IA et renforcée par votre connaissance des clients, la communication contextuelle est un immense champ de communication / marketing / vente à exploiter, tout juste en train de devenir accessible et directement intégrable à votre stratégie omnicanale.
De quoi oublier les grignotages peu efficaces du passé.