Pourquoi les départements marketing peinent à intéresser les audiences ?
- Marketing
- Posts
Dans un de ses récents ouvrages, le sociologue Gérald Bronner nous livrait sa vision d’un marché cognitif saturé où la mise à disposition d’une somme inédite d’informations obligeait les audiences à faire appel à leurs réflexes les plus instinctifs pour se repérer dans la jungle des contenus. Des mécanismes que connaissent bien les plateformes et les médias (sensationnalisme, biais de confirmation, boucles addictives). Mais avons-nous réellement pris la mesure de ce chamboulement dans nos pratiques marketing ?
Dans ce marché où l’information est abondante et où la compétions pour capter l’attention est intense, Gérald Bronner nous rappelle que ce sont souvent les meilleurs « produits cognitifs » qui tirent leur épingle du jeu. Ceux-ci résultent des attentes les plus intuitives de notre cerveau, notre attirance pour les émotions fortes, notre tendance à l’égocentrisme, les impératifs anthropologiques que nous nourrissons pour certains sujets : le sexe, la peur etc.
Vous avez d’ailleurs surement déjà vécu cette expérience, vous êtes dans un groupe d’amis, vous parlez tranquillement de sujets passionnants tels que les enfants, les sujets politiques du moment, les futures vacances quand tout à coup, non loin de vous, vous entendez le mot « sexe », et patatras, voilà votre attention entièrement absorbée. Vous n’écoutez plus vos amis et ne pensez qu’à une chose rejoindre l’autre groupe dont le programme semble bien plus alléchant. C’est une des nombreuses illustrations de l’effet cocktail party et il en aurait été de même si vous aviez entendu votre prénom.
Des penchants instinctifs qui expliquent également pourquoi nous accordons plus d’intérêt au clash entre Booba et Kaaris qu’à leurs derniers albums ou que le célèbre « Taisez-vous ! » d’Alain Finkielkraut adressé à Abdel Raouf Dafri viendra éclipser, en visibilité, la trentaine d’essais que le philosophe a publiés.
Certains produits cognitifs sont plus puissants que d’autres pour capter notre attention
Dès lors, ne pas penser les leviers cognitifs au moment de réfléchir à sa stratégie de contenus, c’est s’exposer à parler dans le vide, un peu comme notre groupe du début qui voit leur ami captivé par une autre conversation, beaucoup plus cognitivement excitante.
Afin d’y remédier nous vous avons listé quelques premières pistes pour prendre en compte ces mécanismes dans votre politique éditoriale.
Osez jouer avec le spectre des émotions, positives, mais aussi négatives
Surprise, nostalgie, amusement, peur, malaise, frustration, autant de leviers puissants qui ont déjà fait leurs preuves : les stratégies de marketing B2B qui font appel aux émotions sont 7 fois plus efficaces pour générer de l’intérêt que les messages basés sur des arguments rationnels.
Une réalité qui se retrouve également à la fin du funnel de conversion, même dans l’univers B2B dont on pourrait croire que les choix « logiques » priment, les individus sont ainsi faits que ce sont souvent les rapports émotionnels que nous nouons avec les entreprises qui prennent le dessus.
Le psychologue Jonathan Haidt prend l’analogie de l’éléphant et de son cavalier pour expliquer ce phénomène. Du haut de son éléphant (l’émotion), le cavalier (la raison) est persuadé de tenir les rênes et de dicter la voie. Mais à chaque fois que l’éléphant et le cavalier sont en désaccord sur la direction à prendre, le cavalier va perdre face au poids pachydermique de sa monture.
Un exemple pour vous en convaincre ? Le court métrage de 8 minutes « Escape from the Office » réalisé par Apple pour vanter ses produits destinés aux professionnels. Un véritable film de divertissement particulièrement drôle qui nous invite à suivre l’aventure de 6 collègues qui décident de lancer leur propre entreprise de packaging – bien évidemment aidés par les produits du géant de Cupertino. Avec ses 35 millions de vues c’est la 4ème vidéo la plus consultée du compte Youtube d’Apple, devant de nombreuses annonces liées aux produits grand public.
Assumez de prendre des contre-pieds sur ce que pratique votre marché pour émerger et apporter plus de valeurs à vos audiences
Les cas et autres témoignages clients sont une pratique récurrente dans les métiers de prestations intellectuelles (conseil, finance, communication etc.), toutes en proposent et sous toutes les formes possibles et imaginables, en vidéo, en webinar ou à l’écrit. Le principe reste toujours le même : vanter le succès de la mission réalisée, chiffres et citations à l’appui.
Mais dans un marché de l’attention hyper saturé quelle est la réelle valeur d’une ode à la réussite de votre entreprise ?
Pourquoi ne pas davantage mettre l’accent sur les erreurs, les enseignements et proposer des REX critiques de vos projets à vos audiences ?
Nous avons nous même appliqué ce principe récemment en proposant un webinar, non pas les bonnes pratiques, mais les anti-idées liées aux réseaux sociaux. L’occasion d’émerger par rapport à un énième guide des bonnes pratiques et de déclencher de nombreux débats stimulants avec les participants.
Offrez des espaces pour ceux qui souhaitent prendre de la hauteur et se libérer de ce marché cognitif
Toutes les audiences ne sont pas égales face à l’abondance de contenus certains hyperinformés réussissent à rester en contrôle en choisissant bien les contenus qu’ils consultent et les sources auxquelles ils font confiance.
Ces publics seront intéressés par des papiers de fond, des prises de hauteur, des rencontres utiles qui leur permettront de penser leurs enjeux, durablement.
Un peu à la manière de ce que propose Y combinator, l’un des fonds accélérateurs de startups les plus célèbres au monde qui met à disposition des centaines de ressources utiles aux créateurs au travers d’articles, de vidéos, de podcasts. N’hésitant pas également à faire appel à de grands noms tels Mark Zuckerberg ou Elon Musk pour éclairer les entrepreneurs qui se lancent.